Le Conseil d’Etat a été saisi pour avis par la Cour administrative d’appel de Marseille pour se prononcer sur la question de la prescription de la créance détenue sur l’Etat des travailleurs de l’amiante en cas de carences fautives dans la prise en charge de la prévention des risques liés à leur exposition aux poussières d’amiante.
Ces travailleurs disposent effectivement de la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat en vue de la réparation de son préjudice d’anxiété (cette possibilité a été reconnue par le Conseil d’Etat dans son arrêt n° 401395 du 3 mars 2017).
Malgré les précisions déjà apportées sur ce préjudice d’anxiété, il restait une zone d’ombre à éclaircir sur la question de la prescription de la créance détenue sur l’Etat.
Aucun doute ne pesait sur l’application de la prescription quadriennale prévue à l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 courant à compter du 1er janvier de l’année suivant celle où les droits ont été acquis. Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le point de départ du délai de prescription ainsi que sur les causes d’interruption d’un tel délai.
En premier lieu, le Conseil d’Etat indique que le droit à réparation du préjudice doit être regardé comme acquis à la date de publication de l’arrêté inscrivant l’établissement sur la liste établie par arrêté interministériel. Concrètement, si un tel arrêté a été publié le 26 avril 2022, le point de départ du délai de prescription sera le 1er janvier 2023 et le requérant pourra solliciter une réparation jusqu’au 31 décembre 2026.
Le principe étant posé, le Conseil d’Etat apporte deux précisions supplémentaires :
– Si plusieurs arrêtés d’inscription sur la liste des établissements exposés à l’amiante se sont succédés, le point de départ du délai de prescription dépend de la date la plus tardive de publication (bien évidemment, si le salarié était encore employé durant la période concernée) ;
– La créance ne dépend pas de la durée du préjudice d’anxiété mais de la seule année de publication de l’arrêté.
En second lieu, le Conseil d’Etat délimite les causes d’interruption de la prescription. Ne sont pas de nature à interrompre le délai de prescription :
– les recours formés à l’encontre de l’Etat par des tiers (salariés victimes, leurs ayants droit ou des sociétés exerçant une action en garantie fondée sur les droits d’autres salariés victimes) ;
– les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur formées devant les juridictions judiciaires ;
– une plainte pénale non déposée devant un juge d’instruction et assortie d’une constitution de partie civile ;
– l’engagement de l’action publique ;
– l’exercice des voies de recours par le condamné ou le ministère public à la suite d’une décision rendue en première instance ou en appel après l’engagement de l’action publique. Est de nature à interrompre le délai de prescription, le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile ou la constitution de partie civile dans le cadre d’une instruction pénale déjà ouverte en vue d’obtenir des dommages et intérêts.
Est de nature à interrompre le délai de prescription, le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile ou la constitution de partie civile dans le cadre d’une instruction pénale déjà ouverte en vue d’obtenir des dommages et intérêts.