Devant les juridictions administratives, la charge de la preuve appartient en principe à celui qui allègue un fait (sauf quelques exceptions bien circonscrites).
Ce principe s’applique lorsque la responsabilité de l’administration est engagée. Le requérant qui souhaite engager la responsabilité de l’administration (par exemple, dans le cas d’une demande indemnitaire) doit donc justifier de l’existence d’une faute et des préjudices résultant directement de cette faute.
L’application stricte de ce principe se heurte parfois à la réalité du terrain. C’est précisément le cas lorsqu’un détenu souhaite engager la responsabilité de l’Etat du fait de ses conditions de détention.
Le Conseil d’Etat a donc trouvé un juste milieu en allégeant (et non pas en renversant) la charge de la preuve pesant sur les détenus. En effet, le Conseil d’Etat accepte désormais le commencement de preuve comme élément justifiant l’existence d’une faute et d’un préjudice résultant des conditions de détention. Il ressort également de la décision commentée que ce commencement de preuve est entendu comme une description suffisamment crédible et précise par le demandeur de ses conditions de détention.
Ce sera désormais à l’administration d’apporter les éléments pour réfuter cette description.
Nul doute que cet arrêt constitue une avancée dans la protection de la dignité humaine dans les établissements pénitentiaires et s’explique parfaitement par les difficultés (voire l’impossibilité) qu’ont les détenus de rassembler des éléments de preuve à l’encontre de l’administration au cours de leur détention.
Les décisions des juges du fond permettront d’avoir davantage de précisions sur la notion de description suffisamment crédible et précise.
Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 21/03/2022, 443986, Publié au recueil Lebon